Au delà des étoiles, le paysage mystique de Monet à Kandinsky

"Au-delà des étoiles" s'interroge sur le divin dans la nature et sur les mystères du cosmos. Cette exposition merveilleuse se visite au musée d’Orsay. De Monet et Gauguin à Van Gogh et Kandinsky, les peintres donnent à la nature une dimension mystique. Une nuit étoilée, un lever de soleil sur les montagnes, une mer tourmentée, deviennent le vecteur du lien cosmique qui nous relie à l'Unité.

L’exposition a été organisée en collaboration avec l’Art Gallery of Ontario (Toronto), ce qui explique la présence de peintres canadiens et scandinaves. Une parfaite occasion pour découvrir leur travail.

L’ensemble du parcours propose une relecture de la peinture de paysage de la première moitié du XXe siècle.
Le contexte est alors favorable au mysticisme plutôt qu’au dogmatisme religieux. Les esprits ont évolué, le peintre n’a plus le même regard ; la philosophie des Lumières du XVIIIe siècle a posé les bases de la religion naturelle et inspiré des courants de pensée où l’homme prend une posture raisonnable (panthéisme, déisme, agnosticisme). Faute de savoir d’où on vient et où l’on va, il nous est donné d’apprécier l’instant présent et de contempler la beauté du monde. C’est en saisissant le lien qui nous intègre à l’unité que nous pouvons nous réconcilier avec notre être véritable. Car après tout, comme l’a si bien dit l’astrophysicien Hubert Reeves, nous sommes des poussières d’étoile.

le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Corps causal de l'adepte, Theo Van Doesburg, 1915

"Si nous avons intitulé l’exposition « Au delà des étoiles : le paysage mystique » c’est parce que beaucoup d’artistes ne limitent pas leur intérêt à la terre, aux montagnes, au ciel et aux nuages, mais s’interrogent sur le grand inconnu, l’au-delà des étoiles. Le questionnement ultime. Tandis que certains sont influencés par la théosophie, d’autres se retrouvent
dans les mouvements occultistes."

Isabelle Morin Loutrel, commissaire de l’exposition

Une nuit étoilée peut se révéler poésie et recueillement. Les peintres symbolistes ont  d’ailleurs fait de la nuit le plus beau tableau des métaphores existentielles sur la mort, le mystère, la solitude et la mélancolie.

Une montagne est une élévation vers le ciel, vers le divin. L’envie nous prend de la gravir jusqu’au sommet, d’apprécier le silence, le ciel infini, de méditer, se fondre avec l’unité.

En communiant par la contemplation avec l’eau, le ciel, l’arbre, le rocher, on se connecte aux éléments et on se saisit du vertige de l’immensité du cosmos.
C’est un sursaut existentiel plein de grâce. Vue, ouïe, odorat, toucher ; tous nos capteurs sensoriels saisissent les vibrations environnantes et nous alertent d’une évidence, nous sommes connectés à l’esprit universel et notre destin commun se trouve au delà du visible.
En levant la tête au ciel, il est irrésistible de se dire que la magie vient quelque part de là-haut.
Le mystique est celui qui vit l’expérience du divin (par extase ou trance) mais ce n’est pas spécialement un théologien (connaisseur du divin).

Peindre la nature, c'est apprendre à la contempler

Notre promenade contemplative commence avec quelques peintures de Monet d’une grande puissance émotionnelle. Les meules se dressent sous la lumière d’un soleil couchant, les peupliers sous celle d’une fin de journée printanière, avec ce sentiment évident d’évoluer chaque jour au milieu d’une nature vibrante, aussi sujette que nous au rythme de la Terre et du Soleil.

le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Meules, effets de neige, soleil couchant. Claude Monet, 1891
le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Meules, effets de neige, soleil couchant. Claude Monet, 1891
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Peupliers, Claude Monet, 1891

Claude Monet n’est pas religieux mais agnostique ou même athée. Il n’a pas le besoin d’une quête spirituelle, pourtant nombre de ses peintures sont une source de contemplation suscitant le vertige de la transcendance. Son travail sériel des effets de lumière en fonction des heures de la journée et des saisons témoigne d’une profonde passion pour la lumière, et, sans vraiment le vouloir le peintre questionne le rapport de l’homme à la nature et au Divin. 
Clémenceau voyait dans les Peupliers « un poème panthéiste ».

Les Nymphéas
renforce cette impression de beauté silencieuse, mystérieuse, qui règne dans la nature. La contemplation permet d’expérimenter l’oubli de soi. Le mystique qui n’a pas la foi recherche simplement une profonde tranquillité.

Nymphéas, reflets de saule, Monet, 1916-1919
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Nymphéas, Monet, 1916-1919

A propos de Henri Le Sidaner, Emule Verhaeren écrivait : « Cet artiste parvient à faire sentir le silence ».  L’écrivain Marcel Proust le cite aussi dans A la recherche du temps perdu. L’artiste aimait figer les lieux désertés, de préférence sous la lumière du crépuscule.

Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Clair de Lune, Bruges, Henri Le Sidaner, 1900
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
La Place Saint Marc au crépuscule, Henri Le Sidaner, 1907
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Henri Le Sidaner, Jardin blanc au Crépuscule

Chez Van Gogh, Klimt et Henri Edmond Cross, l’objet s’éloigne au profit de la couleur pour provoquer le sentiment de transcendance. L’arbre de Klimt s’efface par petites touches, l’effet est complètement onirique. Van Gogh commence alors à intensifier les contours et les couleurs.
Il réalise Les Oliviers à Saint-Remy de Provence lors d’un séjour à l’asile.
Le tableau s’inscrit dans la démarche des Nuit étoilée. L’artiste cherche à réaliser « une peinture plus consolante ». Van Gogh ne cache pas qu’il a besoin de religion mais il se tourne vers la religion naturelle parce qu’elle donne la primauté au sentiment.

Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Henri Edmond Cross, 1892
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Rosiers sous les arbres, Gustav Klimt, 1905
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Les Oliviers, Vincent Van Gogh, 1889

Le maître de l’abstraction Vassily Kandinsky confiera avoir été impacté par la force émotionnelle des oeuvres de Claude Monet. Dans son livre Du Spirituel dans l’Art, le professeur du Bauhaus explique que la création est aussi une contemplation existentielle.
A son avis, elle se situe dans l’abstraction selon une harmonie parfaite des couleurs.
Kandinsky résume ainsi son idée :

« En règle générale, la couleur n’est pas un moyen d’exercer une influence directe sur l’âme.
La couleur est la touche. L’œil est le marteau. L’âme est le piano aux cordes nombreuses. L’artiste est la main qui, par l’usage convenable de telle ou telle touche, met l’âme humaine en vibration. Il est donc clair que l’harmonie des couleurs doit reposer uniquement sur le principe de l’entrée en contact efficace avec l’âme humaine. Cette base sera définie comme le principe de la nécessité intérieure. »

Les deux tableaux  de Kandinsky exposés, Accord réciproque et Etude pour improvisation 26, ne me paraissent pas suffisants pour signifier ce discours. L’aquarelle Etude pour improvisation 26 a toutefois l’intérêt de montrer son glissement de style du figuratif vers l’abstrait.
On entend par abstraction le paysage intérieur doté de résonances propres.
Idéalement j’aurais aimé voir Cercles dans un cercle et Quelques cercles.
Le cercle étant le symbole de la spiritualité chez Kandinsky.

Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Etude pour improvisation 26, Kandinsky, 1912
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Accord réciproque, Kandinsky, 1942
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Quelques cercles, Kandinsky, 1926
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Cercles dans un cercle, Kandinsky, 1923

"Si je me sers par exemple ces dernières années et avec une préférence si marquée du cercle, la raison (ou la cause) n’est pas la forme «géométrique » du cercle, ou ses propriétés géométriques, mais mon intense perception de la force intérieure du cercle dans ses innombrables variations ; j’aime aujourd’hui le cercle comme j’aimais par exemple autrefois le cavalier – peut-être davantage, dans la mesure où je trouve dans le cercle davantage de possibilités intérieures, raison pour laquelle il a pris la place du cheval. Comme je l’ai dit, tout cela n’a pas la moindre importance pendant mon travail, je ne choisis pas la forme consciemment, elle se choisit elle-même."

 Vassily Kandinsky à Will Grohmann, son ami et biographe en 1930

La forêt enchantée

Madeleine est la soeur du peintre Emile Bernard. Elle figure ici comme modèle lors d’un séjour en Bretagne à Pont-Aven.  Dans ce tableau de 1888 Madeleine au Bois d’Amour, la jeune femme prend une posture délassée, son regard se perd dans le vague dans un climat de rêverie silencieuse et contemplative.

Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
Madeleine au Bois d’Amour, Emile Bernard, 1888.

A l’époque, Emile Bernard côtoie Paul Gauguin, chef de file de l’école de Pont-Aven et inspirateur des nabis. Ensemble ils s’éloignent du naturalisme pour chercher à exprimer une émotion d’ordre mystique ; du réalisme ils glissent ensemble vers le symbolisme.

Paul Gauguin voit dans l’acte de créer le meilleur moyen de s’élever vers le divin, et c’est au fin fond de la Bretagne qu’il trouve la tranquillité nécessaire pour concilier son travail artistique et sa retraite spirituelle. Dans une lettre de 1888 à Émile Schuffenecker il écrit ceci :

    « Un conseil, ne copiez pas trop d’après nature, l’art est une abstraction, tirez-la de la nature en rêvant devant, et pensez plus à la création qu’au résultat. C’est le seul moyen de monter vers Dieu en faisant comme notre divin Maître, créer. »

Gauguin se retrouve face à lui-même dans l’incarnation d’un Christ solitaire. Sur le plan personnel, le peintre souffrait de ne pas être compris et connaissait la dépression.

« C’est mon portrait mais cela veut représenter aussi l’écrasement d’un idéal, une douleur aussi divine qu’humaine… »

Paul Gauguin
Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
Le Christ au Jardin des Oliviers, Paul Gauguin, 1889.

Qu’est ce qu’un peintre « Nabi » ?  C’est un artiste qui fréquente la Bretagne et Pont-Aven, qui a l’envie de se détacher des post-impressionnistes et qui a sympathisé avec Paul Sérusier et Paul Gauguin. « Nabi » veut dire « illuminé », « inspiré de Dieu », mais cela résulte d’une controverse autour d’une peinture de Paul Sérusier (Le Talisman, l’Aven au bois d’amour) réalisée sous la direction de Gauguin. Le maître l’encourageait à se détacher des contraintes du réalisme et à privilégier ses visions pour une approche symbolique.

Parmi les Nabis, il y a des chrétiens mais pas seulement. Ils sont nombreux à être réceptifs aux enseignements de la philosophie et de ses petites soeurs, l’ésotérisme et la théosophie.
Tous les artistes nabis veulent exprimer du sacré dans la peinture.

Le symbolisme sacré du paysage saute aux yeux : les processions ont lieu sous des arbres rouges, verts ou jaunes. Les couleurs à plat sont irréelles et rendent compte des visions de l’âme.
Jon Verkade rejoint Sérusier à Pont-Aven pour expérimenter ses recherches sur la couleur ; il retranscrit à merveille l’atmosphère ressentie dans la campagne bretonne. L’arbre devient le symbole de l’unité fondamentale par ses 3 plans d’existence, souterrain, terrestre, céleste.

Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
Paysage aux arbres vers, dit aussi La Procession sous les arbres, Maurice Denis, 1893
Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
L'incantation ou le bois sacré, Paul Sérusier, 1891

"Ensemble, nous avons méprisé l’école et les écoles, les rapins, 

leurs traditions, leurs farces et leurs bals inutilement nudistes. 

Ensemble nous nous sommes sérieusement amusés."


Henri-Gabriel Ibels, peintre nabi

Dans la salle d’exposition Charles Baudelaire accompagne les peintres avec ces vers extraits d’une correspondance de 1857. Gardons-les en mémoire, ils sont très beaux !

« La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles. 
L’homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l’observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent »

Eclatante divinité

Petit format mais grand effet ! Le Semeur  est un majestueux tableau de Van Gogh, il fait partie de ces tableaux qu’on n’a plus envie de quitter.

Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
Le Semeur, Van Gogh, 1888

"Je ne te cache pas que je ne déteste pas la campagne – y avant été élevé, des bouffées de souvenirs d’autrefois, des inspirations vers cet infini dont le semeur, la gerbe sont les symboles, m’enchantent encore comme autrefois."

Van Gogh dans une lettre à Emile Bernard
Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
Le Bouddha, Odilon Redon, 1907

Odilon Redon est un peintre de l’occultisme ; il peint la figure de Bouddha pour évoquer l’idée de pèlerinage, ce chemin de patience que l’homme s’impose pour chercher la tranquillité de l’esprit.
Le visage est intimement rattaché à la lumière du soleil et le signe de la main symbolise l’ataraxie du sage. L’homme en quête du sacré doit donc accomplir un très long chemin, fait d’efforts et de patience.
Non loin s’expose un tableau de Munch issu de la série « Frise de la vie ». Le moment est bienheureux pour ces danseurs au bord du rivage. On a le sentiment qu’être en contact avec la nature nous reconnecte à l’essentiel et suffit à nous rendre heureux.

A proximité, on ne peut manquer l’incroyable toile de Giuseppe Pellizza da Volpedo Miroir de la Vie). Le peintre s’inspire d’un vers de Dante pour penser le passage du temps au travers du mouvement d’un troupeau de moutons le long du fleuve Curone. Les couleurs sont éclatantes, délicatement posées par petites touches. Il y a une folle intensité lumineuse dans ce tableau.

Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
Le miroir de la vie (Et ce que fait l'une, les autres font aussi), Giuseppe Pellizza Da Volpedo, 1898

La nuit

Eugene Jansson a peint sa ville natale Stockholm, toute sa vie, le plus souvent la nuit, lorsque le silence installe le mystère. Profitant depuis son atelier d’une vue panoramique sur la ville et la mer, le peintre s’adonne à la contemplation créatrice en écoutant Chopin et nous offre ces magnifiques visions.  

le paysage mystique de Monet à Kandinsky
L’aube sur le Riddarfjarden, Eugene Jansson, 1899, huile sur toile

Toutes ces vues de nuit sont imprégnées d’une atmosphère auréolée de mystère et de grâce.
Vrai coup de coeur pour le travail de Jansson !

Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
La danse sur le rivage, Edvard Munch, 1900
le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Hornsgatan, la nuit, Eugène Jansson, 1902
Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
Riddarfjarden à Stockholm (rêves d'une nuit d'été), Eugène Jansson, 1898

Eugene Jansson n’est pas le seul à avoir perçu le pouvoir symbolique de la nuit ; obscurité, silence, solitude, rêverie, méditation ; mais aussi mystère, angoisse, mort, accès au divin. Il y a plusieurs plans de lecture possibles. Quoiqu’il advienne l’atmosphère porte le sentiment de transcendance de l’artiste. Van Gogh a expliqué que la nuit lui permettait de satisfaire son besoin de religion ; les millions d’étoiles de la nuit le reliaient à l’infini du cosmos et à ses mystères. Avez-vous remarqué que la constellation de la Grande Ourse illumine le ciel de Nuit Etoilée sur le Rhône ?

Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
Soir, Achill, Grace Henry, 1912
Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
William Degouve de Nuncques, Nocturne au parc royal de Bruxelles (pastel), 1867
Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
La Nuit étoilée sur le Rhône, Van Gogh, 1889

"Souvent il me semble que la nuit encore plus richement colorée que le jour, 
colorée des violets, des bleus et des verts le plus intenses. Lorsque tu y feras attention tu verras que certaines étoiles sont citronnées, d’autres ont des feux roses, verts, bleus, myosotis."

Van Gogh, Lettre à sa soeur Wilhelmina

Une vision du nord

La présence de peintres canadiens et scandinaves est une riche idée. Généralement méconnus en Europe, il se révèlent ainsi dans toute leur splendeur.
Les peintres canadiens découvrent les peintres du Nord lors d’une exposition à Buffalo en 1913.
En 1920, sous l’influence de la peinture scandinave, ils créent le « groupe des sept » et donnent leur vision des paysages du Nord, sauvages, isolés, ni ternes ni tristes.
Il y a dans leurs peintures beaucoup de vitalité.
Plusieurs membres du groupe baignent dans la théosophie (sagesse divine) et aiment se sentir en symbiose avec les éléments. La nature est pour eux majestueuse, puissante, animée par des forces invisibles, cosmiques.

Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
Isolation Peak, Lawren Stewart Harris, 1929

Parmi tous ces artistes, j’ai été impressionnée par le travail de Lawren Stewart Harris. C’est le leader des sept. Cet explorateur des formes et des couleurs s’empare de la beauté de son paysage natal pour représenter l’art canadien. Le lac Supérieur, le plus vaste de l’Amérique du Nord, devient son spot favori pour chercher à capter l’esprit d’une nature démesurément grande. Là aussi, il y a du spirituel dans l’art. Isolation Peak est le tableau le plus représentatif du travail de Harris pendant les années 20/30. Il dépeint le mont des Poilus qui se situe dans le parc national de Yoho en Colombie-Britannique. En définitive, le peintre-théosophe a largement trouvé sa place et son style dans la culture canadienne (un style qui évoque parfois Edgar Hopper).

Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
Au dessus du Lac supérieur, Lawren Stewart Harris, 1922
Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
Paysage décoratif, Lawren Stewart Harris, 1917

Au cours de l’exposition, parmi les peintres du groupe des sept, on découvre les oeuvres de Frederick Varley, Emily Carr et Tom Thomson. La nature est à nouveau dépeinte avec beaucoup de vitalité et d’onirisme.

Le paysage mystique, de Monet à Kandinsky
Frederick Varley, La Fenêtre ouverte, 1932
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Cosmos, Mardsen Hartley, 1909
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Arbres dans le ciel, Emily Carr, 1939
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Emily Carr, Sky, 1936
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Le Vent d'Ouest, Tom Thomson, 1917
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Le Nuage, la montagne rouge, Frederick Varley, 1928

August Strindberg

Le parcours du Suédois August Strindberg nous permet d’évoquer à nouveau le spirituel dans l’art. L’homme a connu deux mariages malheureux puis il envisagea de devenir moine. Au lieu de cela, il a opté pour la peinture de la nature pensant que l’art et la nature pouvaient assouvir son besoin de spiritualité et de consolation. August est devenu peintre, trouvant sa consolation dans l’expression de forces vives, même excessives (cf Vagues). S’en remettre à plus grand et plus fort que soi a toujours quelque chose de consolateur.

Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Vague VI, August Strindberg

Paysages dévastés

Pourquoi présenter des « paysages dévastés » ? Parce que la guerre entraine la mort et que la mort est une préoccupation du mysticisme. L’âme humaine abrite aussi les forces du mal. Cette réflexion sur la guerre naît dans le cadre sanglant, traumatisant, de la première guerre mondiale.

Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Verdun, Félix Vallotton, 1917

Le groupe des sept s’engage à rendre hommage aux victimes avec le « Canadian War Mémorials Program ».  On les qualifie de peintres de guerre puisqu’ils dépeignent une nature en souffrance, des paysages intoxiqués par les gaz chimiques, désertés par les hommes, voués à la désintégration. L’homme, à la fois cause et victime, apparaît parfois errant comme un fantôme face au désastre causé par sa capacité d’autodestruction. En France, Félix Vallotton réalise une esquisse de Verdun en 1917.

le Le paysage mystique de Monet à Kandinsky mystique de Monet à Kandinsky
Chambre à gaz à Seaford, Frederick Varley, 1918
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Attaque au gaz, Liévin, A.Y.Jackson, 1918
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Néant, Paul Nash, 1918
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Un bosquet. Soir. A.Y.Jackson, 1918

"Je suis accablé. je voudrais être mort. Il est horrible de vivre au milieu de cette humanité démente et d’assister, impuissant, à la faillite de la civilisation.
Cette guerre européenne est la plus grande catastrophe de l’histoire."

Romain Rolland à Stefan Zweig, 3 août 1914

Le cosmos

Nous parvenons au terme de l’exposition. La dernière salle se distingue des autres par son atmosphère feutrée et bleutée. Les murs sont traversés de cercles, rondes des astres, couleurs vives et irréelles.  Le cosmos est le paysage mystique par excellence, lieu de l’imaginaire universel.

Georgia O’Keeffe et Arthur Dove sont des avant-gardistes de l’abstraction américaine, visiblement obsédés par les ciels cosmiques ; ils imprègnent le paysage d’une forte énergie spirituelle.
On apprend au passage que Dove est influencé par le transcendantalisme de l’écrivain essayiste Walt Whitman.

Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
La Lune et moi, Arthur Garfield Dove, 1917
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Série 1, les plaines, Georgia O'Keeffe, 1919
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Forme éthérée, James "Jock" MacDonald, 1934
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Collines rouges, lac George, Georgia O'Keeffe, 1927
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Après la tempête, argent et vert (voute céleste), Arthur Garfield Dove, 1922

Je suis restée captivée un bon moment devant Espace et matière de Maurice Chabas. Au milieu des nuageaux couleurs cosmiques semble circuler une énergie bienfaitrice. Maurice Chabas était un proche des écrivains Leon Bloy et Edouard Schuré. L’ouvrage le plus célèbre de Schuré est considéré comme la bible de l’ésotérisme ; Les grands initiés soutient l’idée que l’univers est le lieu de l’esprit, habité par les âmes des défunts.

Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Espace et matière, Maurice Chabas, 1909
le paysage mystique de Monet à Kandinsky
DETAIL d'Espace et matière, Maurice Chabas, 1909

A quelques pas de là, Munch dépeint une atmosphère apocalyptique de fin du monde ; le soleil explose et semble vouloir se fondre dans le paysage, l’effet est mélancolique.

Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Le soleil, Munch, 1910-1913

George Frederick Watts est le seul peintre qui aborde l’acte créateur avec un tableau symboliste à souhait, Le semeur d’univers.
Le peintre tchèque Hablik, architecte de métier, dépeint l’univers comme un château de cristal dans l’eau, ordonné, flamboyant. 

Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Le semeur d'univers, George Frederick Watts, 1902
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Le château de cristal en mer, Wenzel Hablik, 1914

L’harmonie et l’ordre véhiculés par le cosmos s’expriment aussi au travers d’une ronde des astres harmonieuse chez Hablik, idée reprise pas Giacometti dans Nuit étoilée.

Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Nuit étoilée, Augusto Giacometti, 1917
Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Nuit étoilée, Wenzel Hablik, 1909

Cette exposition se clôt en compagnie d’Hilma Af Klint, une une pionnière de l’art abstrait. Elle le fut dans le plus grand secret car elle a toujours souhaité que son travail soit montré au moins vingt ans après sa mort.  Elle voulait préserver le secret de son projet et espérait être comprise plus tard (elle méprisait le marché de l’art). Pour les autres elle peignait des portraits et une nature dans un style réaliste. Pour elle-même elle s’adonnait au spiritisme et peignait directement sous la dictée des esprits (dessins, pastels, écritures « automatiques »). Médium, théosophe, acquise aux leçons de l’anthroposophe (sagesse humaine) Rudolf Steiner, Hilma Af Klint cherchait à sonder l’invisible, le pur esprit.
Ses oeuvres abstraites et ésotériques donnent une image symbolique de l’univers au travers de motifs récurrents comme le cercle, la ligne et le point.
L’éclat du soleil cosmique dans Groupe x, n°3, retable fait partie d’un monumental triptyque dont le format de certaines toiles atteint plus de 3 mètres sur 2.

 

Le paysage mystique de Monet à Kandinsky
Groupe X, n°3, Retable, Hilma Af Klint, 1915

La démarche d’Hilma Af Klint est celle que Vassily Kandinsky synthétisera plus tard par l’idée de nécessité intérieure. Cette nécessité qui naît chez l’artiste, sa nécessité de créer, est animée par une force cachée qui inonde l’oeuvre et fait vibrer l’âme de celui qui la contemple.

La grande idée de Kandinsky était de saisir une loi générale du cosmos par les mathématiques et l’abstraction et de la rendre immanente par le biais de la peinture. La peinture, lorsqu’elle est traversée par un souffle spirituel, procure émotion et apaisement

C’est une exposition magnifique.
Pour aller plus loin, il est toujours possible de se procurer le catalogue de l’exposition.

EXPOSITION « Au-delà des étoiles, le paysage mystique de Monet à Kandinsky »
Musée d’Orsay, Paris
14 mars – 25 juin 2017

3 réflexions sur “Au delà des étoiles, le paysage mystique de Monet à Kandinsky”

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